Gouvernements progressistes : une présentation
À partir de 1998, les gouvernements progressistes prennent le pouvoir en Amérique Latine. Hugo Chavez, au Venezuela, est le premier à ouvrir la voie, puis dix autres gouvernements basculent à “gauche” ou, plus précisement nous disent les auteurs, dans des formes de centre gauche et d’expériences “nationales et populaires”. Ces gouvernements progressistes sont portés par des “mouvements sociaux puissants” comme le Caracazo – février 1989 – au Venezuela ou la révolte zapatiste au Chiapas en janvier 1994. C’est pourquoi dans la décennie 2000 la question sociale, le rôle régulateur de l’Etat reviennent en première ligne. On assiste aussi, nous est-il rappelé, à une nouvelle orientation diplomatique avec les Etats-unis et la Chine.

Cependant, les résistances sont aussi nombreuses. On le voit contre Chavez en 2002-2004, contre Evo Morales en Bolivie avec le coup d’Etat réussi en 2019 grâce notamment aux Eglises évangéliques. D’ailleurs le clientélisme, la corruption, la bureaucratisation… a continué de gangréner les gouvernements progressistes! Depuis 2015, les conservateurs reprennent le pouvoir concomitamment à la fin d’un cycle économique et à une rupture de lien entre le pouvoir et les mouvements sociaux qui furent leurs soutiens. L’ouvrage nous entraine dans la mulitplicité des contextes nationaux avec des lignes communes: contestations, gouvernements progressistes, crises globales.
Un basculement international?
Si John Kerry déclare en novembre 2013, devant l’OEA (Organisation des Etats américains) que : “L’ère de la doctrine Monroe est terminée.” On ne peut remarquer que dans les faits peu de choses ont changé. La réthorique se distance nettement des actes donc. Pourtant le président Obama permet le rapprochement avec Cuba en 2014-15. Toutefois Trump et son administration oeuvrent à l’envers pour revenir à la doctrine Monroe.
Dans le même temps, les relations économiques se sont développées avec la Chine. L’ouvrage étudie de manière passionnante ces nouveaux rapports en se centrant sur cinq pays: Bolivie, Brésil, Equateur, Uruguay et Venezuela. On ne peut que constater un accroissement de la dépendance et la mise en place, nous dit le livre, de “nouvelles formes de subalternisation”. Les mouvements sociaux se sont fracturés devant cette réalité au point de perdre toutes “narrations émancipatrices”!
Des mouvements sociaux et des politiques économiques
Premièrement, les nouveaux liens avec la Chine offrent une rente précieuse aux gouvernements progressistes grâce à l’exploitation des matières premières. Mais cette vente de produits primaires se fait au détriment des produits industriels et ouvre la voie d’une plus grande dépendance à la mondialisation libérale. Deuxièmement, la politique sociale, permise par cette manne, est désormais en péril grave à cause du retournement de la conjoncture. Troisièmement, le nouveau extractivisme nuit au droit des peuples indigènes et à l’environement.
Quatrièmement, le mouvement syndical latino-américain très ébranlé par les réformes néolibérales des années 1980 et 1990 espérait une nouvelle donne. Certes, on a assisté à la “mise en oeuvre de politiques publiques améliorant le quotidien des salariés, par l’augmentation d’un salaire minimum au Brésil, par la renégociation des salaires en Argentine…” Toutefois, de nouvelles tensions surgissent en raison, notamment, d’un contrôle accru de l’Etat. Une telle situation oblige donc à de nouvelles actions et pratiques sociales dans une situation de tensions générales.
Disparités nationales
La troisième partie ouvre sur une approche plurielle de la réalité latino-américaine. Le but est de sortir de l’analyse des grands principes idéologiques pour l’ancrer au plus près des réalités de terrains sans abondonner l’analyse de grandes tendances.
On découvre ainsi l’exemple de l’Uruguay. On voit un pays au legs néolibéral limité qui tente de réhabiliter le rôle des institutions publiques. La clé du succès a été ainsi sa posture sociale-démocrate. Ici “le libéralisme économique a été contrôlé par l’Etat et les richesses produites ont servi à l’augmentation des dépenses publiques en faveur de la réduction des inégalités”. De plus la foi démocratique de la gauche uruguayenne a renforcé le politique dans le sens où le consensus et la participation citoyenne font désormais loi.

Conclusion
On découvre une période complexe. Les gouvernements progressistes ont sacrifié les aspirations émancipatrices en conservant des tendances conservatrices. En outre la justice environnementale a été sacrifiée au nom de la justice sociale. La déclaration du président Rafael Correa illustre parfaitement cette vision : “La pauvreté ne peut pas faire partie de notre identité. Nous ne pouvons pas être des mendiants assis sur un sac d’or.”
La forte progression générale des institutions de l’Etat a écrasé non seulement la capacité d’émancipation mais aussi le rôle de la société organisée. Ainsi des réseaux autonomes performants ou à développer ont été détruits ou affaiblis.
L’ouvrage est précieux par ses analyses, la force de sa documentation précise et variée. On ne peut que se réjouir d’avoir un tel instrument sous forme de bilan. Voici donc un livre passionnant dans son contenu et la matière qu’il fournit pour de nouvelles perspectives.
Gouvernements progressistes : le livre et les directeurs
le livre

Le « virage à gauche » de l’Amérique latine a suscité un intérêt à la fois politique et académique. Aujourd’hui, le reflux – voire la fin – de ces gouvernements progressistes est réel. Cet ouvrage propose un bilan critique de ces expériences, essentiellement pour… Lire plus
Les directeurs

Franck Gaudichaud est professeur des universités en histoire et civilisation de l’Amérique latine à l’université Toulouse Jean-Jaurès et chercheur au FRAMESPA (UMR 5136). Lire plus

Thomas Posado est docteur en science politique à l’université Paris 8 et chercheur associé au CRESPPA-CSU. En savoir plus
Gouvernements progressistes : Pour aller plus loin
Décourvir l’Institut des Amériques

L’Institut des Amériques rassemble une 50aine d’établissements français d’enseignement supérieur et de recherche. L’Institut des Amériques, groupement d’intérêt scientifique (GIS) créé en 2007 et co-porté aujourd’hui par le CNRS…Lire plus
Découvrir le Framespa

Le laboratoire FRAMESPA (UMR 5136, Université de Toulouse – Jean Jaurès et CNRS) rassemble des historiens médiévistes, modernistes et contemporanéistes, des archéologues, des historiens de l’art…Découvrir Framespa
Dans la phrase d’accroche commerciale qui ouvre cette page en haut à gauche, “Le savoir pour tous : les meilleurs spécialistes à votre service!”, en laissant de côté le caractère aussi pathétique que vain de la démagogie marchande ainsi pratiquée (qui ne sauvera évidemment en rien le niveau des ventes d’un éditeur universitaire), il faut relever l’anglicisme du point d’exclamation accolé au dernier mot. En français, la règle est de laisser un espace ou, en termes typographiques, une espace, entre le dernier mot et ledit point d’exclamation. Macte animo !
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