« La guerre est finie !!! » Quel bonheur ! Il est si grand que l’on ne peut y croire et l’on a été si éprouvé que, malgré soi, l’envie vient de pleurer.

Amie c’est la guerre, épisode 17 de la série des Pur

15 novembre 1918

[Théonie Arnaud à Henri Arnaud]

Ami,

Hier je ne t’ai pas écrit, étant a Brioux, où je ne me suis guère amusée. Je te dirai ça bientôt, mais avant je tiens a te remercier de tes lettre et carte, l’une du 8 et l’autre du 10. Encore une et tu me diras : « La guerre est finie !!! » Quel bonheur ! Il est si grand que l’on ne peut y croire et l’on a été si éprouvé que, malgré soi, l’envie vient de pleurer.

Revenons a mon voyage qui, je l’espère, sera le dernier de ce genre car bientôt tu reprendras ta place parmi nous. Partie avec Mme Foisseau jeune, un peu après Collardeau qui conduisait les trois cochons (nous, nous avions une chèvre), tout était pour laisser a la gare. Nous avions grand froid et en revenant de la gare de Brioux moi j’ai marché un peu. J’avais dû descendre pour débarquer la bique et plus loin faire rempailler une chaise pour le voisin. Nous voici de retour a Brioux. Longue promenade sur le champ de foire. Comme l’on voit bien que c’est la fin, tout diminue, [les prix des] bestiaux et [des] volailles. J’ai eu du nez de vendre dimanche, [sinon] je perdais 50f. J’achète un très joli petit cochon de 9 semaines pour 60f. Il y en avait de 30f mais c’était du rebut. Une oie se vendait le prix d’un oison en juin : 30f la paire (moyennes). Les bêtes a corne, commerce nul.

J’ai fini ma tournée, je rentre chez le percepteur, j’achète 115f de rente*. Je fais divers achats, étrille, surprise a Henriette et Madeleine (cols de fourrure), provisions pour manger, et je cours au café Proux chercher l’argent du cochon a Collardeau et du nôtre, mille francs (995). Bon ! J’apprends qu’il y a du chocolat dans une épicerie, j’y vais pour les petites et j’attelle, tandis que la voisine finit ses achats (nous n’avions pas Bamboche). J’embarque mon animal, et en route. Voyage mouvementé, il faut ficeler la cage [du cochon]. Enfin nous arrivons, je prends connaissance de tes chères lettres.

Et pour la récompense, je t’embrasse cent mille fois et je te redis : Je t’aime, je t’adore.

Th[éonie Arnaud]

* Emprunt d’État.

*******

[Vers Mézières (Ardennes)*], 11 novembre 1918

[Henri Arnaud à Théonie Arnaud]

Amie,

Finisch !!! la guerre !!! Et j’en suis sorti sain et sauf !

Reçois tes deux lettres des 6 et 8 et le colis. Relevé dans la nuit, nous avons arrivé ce matin dans un petit pays d’où nous allons repartir pour aller cantonner a quelques kilomètres plus en arrière. C’est notre division qui a eu l’honneur de délivrer la ville de M.[ézières]. Nous, nous étions bataillon de réserve et nous nous sommes arrêtés a quelques kilomètres.

On se demande si réellement c’est fini. Le feu devait cesser ce matin a 11 heures, il est en ce moment 1 heure au moins et a l’instant je viens d’entendre un éclatement. Est-ce un coup de canon ou quelque chose qui saute ? Néanmoins je crois bien que c’est terminé. Ah ! Quelle joie, amie, après toutes les misères subies, de se savoir enfin sur le point du retour ! Pas encore, sans doute, mais quand il n’y a plus que l’attente, quelque pénible qu’elle soit, cela réconforte de pouvoir se dire presque avec certitude : Au revoir !

En attendant, mon amie, je t’embrasse bien, bien tendrement, et te redis tout bas et bien près : Je t’aime ! Bons baisers a tous. A toi toujours.

Arnaud H[enri]

* Les deux communes de Charleville et de Mézières ne fusionneront qu’en 1965.

SORTIE LE 28 MAI EN LIBRAIRIE

Laisser un commentaire