L’arrivée des américains. La fille et son certificat d’étude, une autre aventure…

Amie c’est la guerre, épisode 15 de la série des Pur

20 juin 1918

[Théonie Arnaud à Henri Arnaud]

Ami,

Hier nous avons reçu ta lettre du 15, a laquelle Madelon t’a répondu en t’annonçant son succès, et aujourd’hui j’ai celle du 16. Ce que je suis heureuse de te savoir au repos ! Cela me remets, et je profite de ces rares instants d’accalmie dans mes constantes inquiétudes pour faire faire un petit voyage a nos filles. J’ai envie de les conduire a Saint-Jean* lundi. Les pauvres petites n’ont jamais sorti et s’en font une vraie joie. Nous n’aurons pas de travaux pressants et entière liberté car je ne compte pour rien les histoires de ta mère.

Maintenant, que je te raconte comment s’est passé ce fameux certificat d’étude. Partis de Paizay le matin a 5 heures sans avoir beaucoup déjeuné, nous arrivons a Brioux juste pour rentrer. Je dételle chez Isambert. Mme Isambert me demande de tes nouvelles, m’en donne de son mari au 119e et te fait dire bonjour. Ne présente pas Bamboche [à la commission de réquisition], ai reçu ordre contraire, puis les chevaux ne manquaient pas et il n’en fallait qu’une soixantaine. Je m’amuse a les voir défiler en surveillant le facteur, puis je vais faire un tour vers l’école. Madelon a perdu sa belle assurance et s’est trompée au premier problème. Dictée assez facile, compositions d’histoire et de géographie qui la favorisent, rédaction qui va bien tout en étant un sujet ingrat pour la plupart. Madelon décroche 8. Couture assez difficile, elle s’en tire. Bref, nous déjeunons a 13 heures chez Isambert. Après, promenade en attendant que le résultat soit proclamé. Un peu avant, entendons Mr Fringuet dire : « Je voulais être large mais Mr l’Inspecteur est sévère. Il y en a assez de refusés, surtout des filles. » Et comme je le regardais : « Ce n’est pas que vous avez peur pour votre fille, elle a le maximum. » Oral : 4 salles a passer, sciences, lecture-analyse, récitations, gymnastique. Notre pauvre Madelon n’en pouvait plus. Départ a soleil couché, arrivée 9 heures, vannées. Voilà, ne trouves-tu pas, une journée bien remplie ?

Ma feuille de papier aussi. Je m’arrête en te disant que je n’ai jamais eu de goût pour Fantômas, quoique aimant fort a lire. La jeunesse du roi Henri et les aventures de ses adversaires de Lorraine** me passionnaient bien davantage. Que veux-tu, chacun son goût. Mon adoré, je t’embrasse cent et cent mille fois. A toi toujours. Je t’aime !

Th[éonie Arnaud]

Ai reçu une lettre de Gabriaud. Il souhaite le bonjours au patron. Il n’a

encore vu qu’un Boche, qui s’est rendu. Je t’adore.

* Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), à 35 km de Paizay-le-Chapt.

** Allusion aux guerres menées par Henri IV en 1589-1592 contre les armées de la Ligue dirigées par Charles de Lorraine, duc de Mayenne

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[Vers Badonviller (Meurthe-et-Moselle)], 23 juin 1918

[Henri Arnaud à Madeleine Arnaud]

Je remercie ma charmante fille de son aimable lettre et je suis très content d’elle. Je n’en espérais pas moins. Si le résultat n’est pas comme tu le désirais, peut-être cela ne prouve rien. Ce qui m’étonne cependant c’est que tu aies été intimidée a ce point. Enfin tu es reçue, c’est le principal et je t’en félicite. 

Moi, je n’ai pas dormi de la nuit. Nos camarades américains sont arrivés hier soir et il nous a fallu presque toute la nuit pour pouvoir arriver a placer les pièces et organiser le service. Je commande donc 7 français, 7 américains et un sergent américain. Cela va être difficile pour le service journalier. Comment faire pour expliquer quelque chose ? On écorche quelques mots d’anglais et bien souvent on croit avoir compris et on n’a rien compris du tout.

Ma bonne Madelon, embrasse bien ta maman pour moi et n’oublie pas non plus Henriette. A tous affectueux baisers. Ton papa qui t’aime bien.

Arnaud H[enri]

SORTIE LE 28 MAI EN LIBRAIRIE

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