Nouvelles recensions pour les Pur

Compte rendu dans les derniers numéros de la revue Arabica pour Caroline Fournier, Les bains d’al-Andalus, VIIIe-XVe siècle.

Compte rendu dans les derniers numéros de la revue Arabica pour Antoine Perrier : Damien Lorcy, Sous le régime du sabre : la gendarmerie en Algérie, 1830-1870.

Compte rendu dans : Cahiers Internationaux de Symbolisme pour Anne-Marie Callet-Bianco et Sylvain Ledda édit., Le Théâtre de Dumas père, entre héritage et renouvellement.

Anne-Marie Callet-Bianco et Sylvain Ledda (édit.), Le théâtre de Dumas père, entre héritage et renouvellement. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Interférences », 2018, 253 p.

            Anne-Marie Callet-Bianco enseigne la littérature française du xixe siècle à l’Université d’Angers et Sylvain Ledda la langue et la littérature françaises à l’Université de Rouen. Dans Le théâtre de Dumas père, entre héritage et renouvellement, ils réunissent les études de onze chercheurs, principalement français, afin d’affiner notre connaissance de l’immense production théâtrale d’Alexandre Dumas père (1802-1870), soit une centaine de pièces, relativement encore peu étudiées, à l’exception d’Henri iii (1829) et d’Anthony (1831)Plus précisément, les auteurs cherchent à dévoiler le processus d’assimilation et de transformation à l’œuvre dans les textes dramatiques de Dumas, à travers cinq angles d’approche.

            La première partie de l’essai, La Tragédie après Talma, examine l’influence de la tragédie sur l’écrivain, un aspect encore peu connu de son œuvre. Dans L’ombre de Cassandre : l’héritage de la tragédie antique dans le théâtre de Dumas, Esther Pinon, chercheuse à l’Université de Rouen, souligne la présence des grands mythes grecs non seulement dans les pièces dumasiennes inspirées de l’Antiquité, mais également dans les œuvres traitant des histoires nationales, où ils favorisent une réflexion sur le sens tragique dans la société moderne. La tentation de la tragédie classique chez Dumas, de Laure Boulerie, docteur en Lettres et spécialiste du théâtre français du xixe siècle, se focalise sur Caligula (1837), témoignage du dilemme du dramaturge, soucieux à la fois de maintenir le respect des codes tragiques et de moderniser son théâtre, en s’inspirant du modèle shakespearien.

            Dans la deuxième partie, Généalogie de la comédie, les auteurs étudient les comédies de Dumas. Jacqueline Razgonnikoff est historienne du théâtre. Le Mari de la veuve ou l’art de la comédie selon Dumas démontre comment le texte de 1832 s’inscrit dans la continuité de Marivaux, se rapproche de Musset et introduit déjà Labiche. Le Mari de la veuve combine, en effet, badinage amoureux et observation de l’évolution sociale et morale, sur un tempo soutenu. Dans L’héritage du Mariage de Figaro dans les comédies de Dumas père, Christine Prévost, maître de conférences à l’Université d’Artois, relève l’aspect parodique des comédies dumasiennes, qui réutilisent la pièce de Beaumarchais. L’écrivain, toutefois, introduit suffisamment de variations dans ses réécritures pour faire évoluer personnages et situations. Néanmoins, chez Dumas, la comédie peut également se teinter de politique. Ainsi La réécriture de Cinna dans Une fille du Régent et Le Chevalier d’Harmental : hybridation générique et représentation du pouvoir, d’Isabelle Safa (docteur en Lettres), démontre la reprise du motif cornélien de la clémence royale dans les pièces de 1844 et 1843, mais adaptée au xixe siècle. Alexandre Dumas exprime clairement dans ces deux œuvres son espoir de voir surgir une monarchie « populaire » susceptible de fédérer la nation.

La troisième partie, Survie et permanence du genre sérieux, analyse une innovation du théâtre de Dumas père, les « drames en habits noirs », adaptation à son époque du théâtre historique. Angèle, un drame bourgeois d’Anne-Simone Dufief, professeur émérite à l’Université d’Angers, explique clairement en quoi la pièce de 1833 réunit histoire récente, politique et expression de l’affectivité. Ce texte annonce déjà les traits du théâtre de Dumas fils, un mélange de drame intime, de drame bourgeois et de drame à thèse. Cette forme hybride, à la fois genre sérieux et drame romantique, n’est pas isolée dans la production de Dumas père. L’héritage du genre sérieux : Paul Jones  et Louise Bernard d’Anne-Marie Callet-Bianco démontre bien en quoi deux pièces moins célèbres, Paul Jones (1838) et Louise Bernard (1843), jouent la carte de la catharsis, et tentent de résoudre des problèmes sociaux (e.g. la naissance d’enfants illégitimes) par l’émotion et l’attendrissement.

La quatrième partie Théâtre historique, théâtre politique s’attache à la part sans doute la plus connue du répertoire dumasien, ses pièces historiques. Dans Romantisme et politique : les batailles d’Alexandre Dumas, l’idée d’un théâtre républicain, François Rahier, membre du conseil d’administration de la Société des Amis d’Alexandre Dumas père (SAAD), démontre le maintien, dans le théâtre de Dumas, d’une portée républicaine, revendiquée dès 1833. L’examen méticuleux de Rahier permet de repérer le maintien de cette orientation à la fois dans des œuvres célèbres, et des textes plus discrets. Stéphane Arthur consacre l’essentiel de ses recherches au théâtre français du xixe siècle. Dans Guise sur scène : le jeu de l’amour et du pouvoir, ou les avatars historiques et extra-historiques d’un personnage dramatique, il aborde l’étude du théâtre dumasien sous l’angle de la mythocritique, et analyse la réception du Duc de Guise, le (tristement ?) célèbre Balafré, dans le théâtre dumasien. Il définit la part d’influence de l’évolution de l’historiographie et des orientations des critiques. Roberta Barke, professeur à l’Université Dalhousie d’Halifax, revient sur Angèle, et complète les travaux d’Anne-Simone Dufief par une étude du deuxième rôle masculin. La Canadienne voit dans ce « poitrinaire », vertueux, sentimental et idéaliste le héros allemand par excellence. Certes, sa mort dénonce le cynisme, l’opportunisme, l’égoïsme et le matérialisme de la Monarchie de Juillet, et ce « type » risque par conséquent les foudres de la censure. Il n’en connaîtra cependant pas moins une longue carrière dans le théâtre français et européen (Alexandre Dumas et la construction du héros théâtral « allemand »). Hélène Cassereau-Stoyanov, maître de conférences en littérature comparée (ESPE de l’Académie de Nantes) clôt cette quatrième partie par une étude de l’impact du théâtre dumasien sur la culture portugaise. Le théâtre de Dumas et l’imaginaire portugais : appropriation, transposition et remodelage, vers l’émergence d’un théâtre national analyse la mobilisation des oeuvres dramatiques de Dumas, au Portugal, afin de renouveler un théâtre national jugé sclérosé. Alexandre Dumas père y est perçu comme un classique de la littérature française, néanmoins appelé à favoriser l’affirmation de l’identité nationale portugaise.

            Enfin, la dernière partie, L’Évolution du spectaculaire, souligne l’aspect novateur des mises en scène dumasiennes, qui intègrent les procédés de diverses formes d’art vivant, de l’opéra aux fééries. Dans Le Napoléon Bonaparte de Dumas, une pièce à lanterne magique ?, Barbara T. Cooper, professeur émérite de français à l’Université du New Hampshire, précise la forte influence esthétique des procédés de lanterne magique (espèce d’ancêtre du cinéma, alors très apprécié du grand public) sur  Napoléon Bonaparte (1831) : un mélange des genres peut apprécié de la critique conservatrice. Des reproches similaires ont également été formulés à l’égard de Don Juan de Marana (1836) et du Vampire (1851). Toutefois, Sylviane Robardey-Eppstein, maître de conférences en littérature française à l’Université d’Uppsala, explique en quoi le recours à la féérie et au tableau animé offre à Dumas de redynamisé son théâtre (« Les péripéties du boulevard et les magnificences de l’opéra » : le spectacle fantastique dumasien et son écriture entre mélodrame et féérie). La conclusion de Sylvain Ledda s’attache plus spécifiquement au style du dramaturge, injustement accusé d’enfler ses dialogues en raison d’uniques préoccupations financières. Ledda rétablit la valeur du verbe dumasien.

            Le volume se clôt sur une solide bibliographie et sur deux annexes bienvenues pour appréhender la production dramatique abondante de Dumas : un tableau recensant les salles où ses pièces ont été créées, et un répertoire de ses principaux collaborateurs.

Le théâtre de Dumas père, entre héritage et renouvellement permet indubitablement de mieux cerner l’œuvre dramatique de l’écrivain. La multiplicité des approches, la finesse des analyses et le large spectre des enquêtes menées définissent plus précisément les conditions d’élaboration destextes, leurs qualités artistiques, leur originalité, leur inscription dans le champ littéraire de l’époque. Certes, le présent ouvrage ne peut, en un peu moins de deux cent cinquante pages, épuiser la matière abordée, mais il réunit des essais de grand qualité, qui stimuleront, nous l’espérons, la recherche sur le théâtre français du xixesiècle en général, et sur le corpus dramatique de Dumas père en particulier.

Recension publiée par la RHPR (page 306) pour Quand le religieux fait conflit, Désaccords, négociations ou arrangements de Anne-Sophie Lamine (dir.)

Recension Clionautes pour Les Moissons du ciel

https://clio-cr.clionautes.org/les-moissons-du-ciel-30-annees-darcheologie-au-dessus-du-massif-armoricain.html

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