
Premiers échanges…
Paizay-le-Chapt [Deux-Sèvres], le 6 février 1903
[Henri Arnaud à Théonie Broussard]
Mademoiselle,
Vous me trouverez peut-être un peu osé de prendre sur moi la liberté de vous écrire sans autorisation aucune.
Peut-être est-ce un manquement aux convenances, mais j’espère que vous me pardonnerez cette incartade aux règles ordinaire de la société.
D’ailleurs, Mademoiselle, j’ai pour vous le plus profond respect, et veuillez croire que mes paroles ne comportent aucune arrière-pensée pouvant vous offenser en quoi que ce soit.
Mademoiselle, je ne sais pas faire de phrases ; d’autres s’exprimeraient mieux que moi, sans doute, mais à quoi bon chercher à les embellir, quand ce que l’on écrit est l’exacte vérité de ce que l’on pense. Je serai donc franc et net.
Vous n’avez pas, sans doute, pris au sérieux ce que je vous ai dit dimanche dernier. Je vous avais dit que j’irais au bal de Contré le dimanche suivant. Une circonstance fortuite m’empêche de m’y rendre. Attendre quinze jours de plus est un peu long.
De plus, je vous l’ai dit, je suis trop timide sur certains sujets ; peut-être que ma plume aura plus de témérité que ma parole. Je n’aime pas les équivoques et vais vous exprimer franchement mes sentiments à votre égard.
Voilà bientôt un an que j’ai fait votre connaissance et, quoique vous ayant peu vue, je n’ai pas été sans apprécier vos qualités et sans être séduit par vos charmes. Vous m’avez plu dès le premier abord et, cependant, un long temps s’est écoulé sans nous revoir.
Vous vous direz sans doute que, si les sentiments que je professe pour vous avaient été aussi réels, j’aurais cherché à vous revoir plus-tôt. Peut-être ! Je n’osais pas, et j’avais peur de vous paraître ridicule. En vous revoyant dimanche, mes sentiments n’ont fait qu’augmenter d’intensité, et je ne sais quoi qui me retint de vous déclarer mon amour.
N’y tenant plus, j’ai donc pris la liberté de vous écrire en vous exprimant aussi respectueusement que possible les sentiments que vous m’avez inspirés.
Mademoiselle, vous me plaisez beaucoup, et j’avoue que je ne serais on ne peut plus heureux d’avoir pour compagne une personne aussi accomplie que vous l’êtes, vous êtes mon rêve, mon idéal, c’est-à-dire : je vous aime !…
N’allez pas croire que ce sont là de vains mots, c’est sincèrement et du fond du cœur que je vous redis : je vous aime.
Si dans mon cœur existent ces divers sentiments que l’on appelle amour, je n’ai pas la prétention ni la fatuité de croire qu’il en soit ainsi de vous. Peut-être le vôtre a-t-il parlé déjà. Si non, ne me repoussez pas, permettez-moi de vous revoir et de vous faire ma cour. Ne me refusez pas et conservez-moi votre amitié. Je n’ose espérer plus pour l’instant.
Encore une fois, Mademoiselle, veuillez m’excuser et croyez au sincère amour de celui qui est pour vous un ami dévoué et respectueux, tout en espérant d’être un mari rempli de tendresse et d’affection pour celle qu’il a choisie comme l’élue de son cœur,
J’espère et j’attends.
P.S. : Si vous jugez bon de faire prendre connaissance de la lettre à vos parents, vous le pouvez, en ce cas, présentez leur mes respects les plus profonds.
Arnaud H[enri]
Adresse : Mr Henri Arnaud fils, à Paizay-le-Chapt, par Brioux, Deux-Sèvres.
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Paizay-le-Chapt [Deux-Sèvres], le 14 février 1903
[Henri Arnaud à Théonie Broussard]
Mademoiselle,
Votre lettre* m’a causé un sensible plaisir et je n’osais espérer un pareil bonheur. Vous me permettez de vous revoir, c’est tout ce que je désirais. Soyez assurée que je ne faillirai pas à mes promesses.
Puisque vous me faites l’honneur de me conserver vos sympathies, c’est à moi, par mon entier dévouement, par mes assiduités et mon profond respect, de tâcher de vous faire partager mon amour. Je m’y consacrerai de toute mon âme et j’espère que vous n’y serez pas insensible et que vous finirez par m’accorder un peu plus que votre estime, en me voyant si soumis, si assidus et surtout si aimant.
Il me tarde de vous revoir, et si j’avais le pouvoir de me transporter immédiatement à Contré, ce serait déjà fait.
Peut-être, au moment ou j’écris, êtes-vous au champs dans le domaine de « La Chagnasse ». Que je serais heureux d’être auprès de vous, seul à seule, où, sans témoins, je pourrais vous dévoiler ce que mon âme renferme et vous répéter ces doux mots : je vous aime !
Vous voir, contempler vos charmes, écouter votre aimable conversation, vous aimer et vous le répéter sans cesse, voilà ce que je voudrais. Mais tout cela est un rêve, et la réalité réapparaît à mes yeux. Je me vois obligé de tracer sur du papier ce que je voudrais vous dire de vive voix.
Aussi, je ne crois pas être opportun (sic) en vous demandant la permission de vous écrire de temps en temps, et je compte sur votre amabilité et sur votre amitié pour continuer une correspondance que je voudrais voir terminer le plus tôt possible au gré de mes désirs, c’est-à-dire en faisant de vous une compagne aimante et, surtout, aimée.
Néanmoins, je serai dimanche 22 février à Chantemerlière aux environs de midi. Indiquez moi, je vous prie, ou je pourrai vous voir dans le jour et, si le soir il y a bal, ou il se trouve. De plus, le lundi, étant jour de foire à Aulnay, j’en profiterai pour y rester. Si vous allez à la foire, j’y serai. Si vous n’y allez pas, ce sera toujours une occasion pour rester un jour de plus avec vous. Je m’arme donc de patience en attendant ce dimanche si lointain.
Recevez donc, Mademoiselle, l’expression de la plus tendre sympathie et du plus entier respect de celui qui vous redis encore : je vous aime !…
Arnaud H[enri]
* Lettre perdue.
Retrouvez-nous la semaine prochaine pour une première suite de lettres!